Toronto Consort
Astronome, astrologue, alchimiste. Noble ayant rejeté son éducation pour poursuivre l’amour et la connaissance. Bon vivant, excentrique – un grincheux risible – reconnaissable entre tous avec son nez prothétique en métal. Seigneur d’une île danoise, architecte du plus grand observatoire du monde. Innovateur d’instruments scientifiques capables de mesurer les mouvements des cieux avec une précision jusque-là inconnue. Homme de la Renaissance, qui n’a fait qu’entrevoir les possibilités qu’allait offrir le XVIIe siècle.
La vie de Tycho Brahe chevauche les époques, les nations, les paradigmes. Sa méthode scientifique représentait un immense pas en avant, tandis que sa croyance en un Soleil orbitant autour de la Terre relevait déjà d’un autre temps. Dernier des grands astronomes à œil nu, il étudia les « étoiles errantes » (nos planètes) sans avoir la moindre idée de leur véritable nature. Son caractère querelleur finit par le faire exiler du Danemark à la cour impériale de Prague, où il ne disposait ni d’un observatoire, ni d’instruments scientifiques, et d’un seul assistant : Johannes Kepler, qui allait utiliser les données exceptionnellement précises de Tycho pour modéliser les orbites elliptiques des planètes autour du Soleil, presque exactement comme nous les connaissons aujourd’hui.
Dans Révolutions célestes, nous retrouvons Tycho sur son lit de mort, entre le 13 et le 24 octobre 1601. Alors qu’il succombe à une infection causée par une rupture de la vessie, le temps et l’espace deviennent fluides. Il a une dernière chance de s’adresser aux personnes qui ont gravité autour de sa vie, qu’il imagine chacune comme l’une de ces « étoiles errantes ». Les astres s’entrelacent avec les sons lumineux des rues de Prague : cymbalum, cloches, vielle à roue, guitare. Il entend ses propres écrits mis en chansons : une carte stellaire de sa supernova éponyme (De Stella Nova) ; un poème mythifiant sa sœur Sophie et son amant lointain (Urania Titani). Il fulmine contre son rival de toujours, Nicholas « Ursus » Bär, revenu d’entre les morts (Danse de la rage impuissante). Délirant, il s’imagine exilé de son propre corps en chantant ses dernières paroles sur terre : Que je ne semble pas avoir vécu en vain.
Les chœurs qui encadrent le programme forment un système solaire de voix et d’instruments, chacun en orbite autour d’un seul mot. Amicitia signifie amitié, alliance, cercle relationnel. Pour Tycho et sa communauté de poètes-scientifiques, amicitia était un lien sacré entre savants du monde entier, renforcé par le partage du savoir. Tycho considérait son œuvre comme appartenant à une généalogie du savoir, rendue possible par les astronomes qui l’avaient précédé, et qui permettrait de futures découvertes par ceux qui viendraient après lui.